• 22 septembre 2022
  • Digital Learning
  • Formation professionnelle

Quel rôle pour les experts métiers dans la conception d’une formation ?

Loïc Le Gac

Une formation, digitale ou non, c’est avant tout du contenu d’apprentissage.
Ce contenu est, bien souvent, maîtrisé par des experts qui sont parfois des formateurs, et souvent des experts métiers. Repartir des contenus qu’ils ont créés pour les transposer on line n’est, cependant, pas la solution.
Quel est le rôle des experts métiers dans la conception d’une formation en digital learning à valeur ajoutée ?

Savoir n’est pas faire savoir

“Il y a un art de savoir et un art d’enseigner” écrivait Cicéron. Nos préjugés et nos réflexes nous entraînent pourtant à faire l’inverse. Pour former, nous nous tournons naturellement vers celui qui sait, qui a l’expertise. 

Notre système universitaire est d’ailleurs construit sur ce préjugé. Pour être professeur d’université, il s’agit de montrer que l’on sait (agrégation), que l’on participe à la création du savoir de demain (thèse et recherche) et non que l’on sait enseigner. On ne le répétera jamais assez : l’expertise n’est pas un gage d’expertise pédagogique. 

Lorsque l’on maîtrise un sujet, on a pour premier réflexe de le présenter, de le structurer en fonction de cette maîtrise. Il est extrêmement difficile de se départir de notre position de sachant. Hors, le parcours idéal de formation est celui qui s’adresse à celui qui ne sait pas : l’apprenant, l’élève, l’étudiant.

L’idée nous paraît dérangeante, a priori, mais l’expert est certes, celui qui sait, mais pas celui qui sait le mieux se mettre dans la peau de celui qui ne sait pas.

Bien souvent, sans le vouloir, on contourne cet obstacle en utilisant les technologies du digital. Ce qui revient à prendre le discours de l’expert, à le maquiller avec de la vidéo, du motion-design, de l’interactivité. Mais rien n’y fait, la pédagogie n’est toujours pas là.

Une véritable conception efficace s’appuie sur la connaissance de l’apprenant

En premier lieu, pour réussir nos parcours de formation, nous chaussons les lunettes de l’apprenant. 

Première question à se poser : pourquoi notre apprenant va-t-il suivre notre formation ? Quel bénéfice va-t-il en retirer ?

Il s’agit ici de définir la promesse de valeur de la formation. 

En une phrase, essayez de formuler le bénéfice que va retirer l’apprenant du parcours, de son point de vue, à la première personne. Ce travail n’est pas à réaliser avec les experts mais avec les commanditaires de la formation, les managers des apprenants.

Deuxième étape : à quoi ressemblent nos apprenants, quel est leur rapport à la formation proposée ? 

Pour cela on va essayer de définir leurs freins, leurs moteurs, les conditions dans lesquelles ils vont consommer la formation, les contraintes qui sont les leurs. Bref nous allons nous mettre dans la peau de nos apprenants.

L’idéal est de faire ce travail sous la forme d’ateliers de LX design(learning experience design) avec un groupe d’apprenants représentatifs. 

A défaut on peut se  tourner, si la formation existe déjà, vers les formateurs qui vont pouvoir partager avec nous leur vécu en la matière. Sinon, là aussi nous ferons appel à ceux qui sont au plus proche de nos cibles.

Déconstruire pour mieux reconstruire

Troisième étape : la déconstruction.

Forts de notre connaissance de l’apprenant et de notre définition de la promesse, nous allons passer au crible tous les contenus à notre disposition. Notre mission est d’identifier les différents concepts clés qu’ils peuvent contenir et de les lister dans un grand inventaire à la Prévert, sans chercher à les organiser.

Pendant tout ce travail qui va nous amener à nous-mêmes apprendre et comprendre, nous aurons potentiellement besoin d’échanger avec le ou les experts, pour nous faire expliquer ce que nous ne comprenons pas.

Ces concepts clés sont l’ensemble des notions que notre apprenant doit avoir mémorisés et intégrés pour que la promesse de valeur de la formation devienne réalité. En clair ? Ce qu’il doit avoir appris. Il s’agit donc pour nous d’éliminer ce qui ne sert pas la promesse. 

Le travail est d’envergure car bien souvent on cherche à partager tout son savoir, son savoir-faire, son expérience et non à se concentrer sur ce qui est utile à l’apprenant.Une fois la liste des concepts clés dressée, c’est le moment de faire un peu de théâtre. Nous contactons l’expert afin de faire un petit jeu de rôles dans lequel nous allons jouer celui de l’apprenant.

Nous faisons cet exercice au sens littéral du terme : 

  • Nous appelons l’expert ou nous le rencontrons, 
  • Nous lui expliquons que nous sommes un des apprenants et que nous venons de suivre le parcours de formation dont la promesse est la suivante. 
  • Puis, nous listons les concepts clés en indiquant que c’est ce que nous avons retenu.
  • Cet entretien se termine par un échange dans lequel l’expert nous indique si nous avons oublié des concepts, si d’autres sont à abandonner.

Trouver le bon design pédagogique

C’est ce contenu, élaboré avec les yeux de l’apprenant, qui nous sert de base. 

Nous allons partir à la recherche de la bonne manière de l’organiser et des meilleurs formats pour le présenter. Nous devons maintenant prendre la bonne distance avec ce contenu learner centric, et repenser aux freins et aux moteurs de notre cible d’apprenant.

C’est ainsi que nous allons réaliser notre design pédagogique. Pour cela nous utilisons les méthodes du design thinking et nous associons les membres de l’équipe qui maîtrisent les différentes possibilités de réalisation : 

  • motion-designers, 
  • learning designers, 
  • graphistes, 
  • développeurs, 
  • réalisateurs vidéos et audios…

Ce design sera à faire valider par le commanditaire du parcours. Si nous en avons la possibilité, nous le faisons tester en amont par un groupe d’apprenants. Pour ce faire nous réalisons un prototype et rentrons dans une démarche itérative pour rester en permanence sur nos futurs utilisateurs.

Notre force c’est l’ignorance

Certains d’entre vous ont peut-être lu cette très belle BD d’Etienne Davodeau, Les ignorants. Dans cet ouvrage, il raconte ce pari qu’il a fait avec un de ses voisins viticulteurs : partager l’ ignorance réciproque de leur métier respectif. Il y raconte ainsi comment il a découvert et appris ce qu’était le travail de la vigne et comment son voisin a découvert ce qu’était celui de dessinateur de BD.

C’est ce type d’aventure que nous vivons sur chaque projet avec nos interlocuteurs experts. Nous partons, ignorants, à la découverte de ce qu’ils savent, de ce qu’ils maîtrisent, avec un respect infini. De leur côté, ils découvrent, notre manière de faire de la pédagogie et ce que peut être l’approche de celui qui ne sait pas : une belle rencontre.

Ignorances partagées dont la conscience est le gage des parcours de formation les mieux réussis.

C’est ce qui nous amène parfois, de manière un peu provocante, à rappeler que notre force c’est notre ignorance.

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